Mon enfance au goût de thé : souvenirs infusés de Russie
- Ekaterina
- 28 juil.
- 2 min de lecture

Je ne pourrais pas dire quel a été mon tout premier thé.
En Russie, le thé est une évidence. Il est là, tout simplement — posé au bord de la table, au coin du samovar, au cœur des discussions, au creux des silences. Il fait partie du quotidien comme la neige en hiver, ou l’odeur du pain chaud en rentrant de l’école.
Il n’a pas besoin d’être annoncé, ni expliqué. Il est. Et il accompagne.
Je crois que j’ai grandi dans le thé. Il me semble que j’en buvais déjà enfant, sans même m’en rendre compte. Peut-être que c’était d’abord quelques gorgées dans la tasse d’un adulte, ou dans un grand verre à fond épais avec un porte-verre en métal. C’était chaud, réconfortant, et toujours sucré. En Russie, le thé se boit souvent très fort… et très sucré. Mais rapidement, vers mes 8-9 ans (je m'en souviens étrangement très bien), je me suis mise à le préférer nature, sans sucre, pour entendre son vrai goût. Il y avait quelque chose de brut, de sincère, dans ce goût non masqué. Quelque chose qui me parlait déjà.
Chez nous, on préparait le thé à la russe, c’est-à-dire en deux temps : une première infusion très concentrée — qu’on appelle zavarka (заварка) — que l’on garde au chaud, autrefois sur le dessus du samovar (ce n'est plus le cas maintenant, peu de russes possèdent ou utilisent le samovar au quotidien). Puis on la dilue avec de l’eau bouillante au moment de servir, chacun selon son goût. C’est un geste simple, mais plein de nuance : un peu plus de zavarka pour ceux qui aiment le thé corsé, un peu moins pour les enfants ou les grands-parents. Ce rituel créait un espace de lenteur, de présence. Un prétexte parfait pour s’attarder à table, parler, refaire le monde, ou simplement rester ensemble.

Le thé, en Russie, n’est jamais juste une boisson chaude. Il est lieu, lien, temps partagé. Il suit les saisons, les heures, les états d’âme. Il accompagne les confitures maison, les souvenirs d’été à la datcha, les longues conversations d’hiver, les moments de répit et de tendresse.
Je crois que c’est là, dans cette enfance où le thé faisait partie du décor vivant, que s’est enracinée ma passion. Pas une passion pour un produit, mais pour ce que le thé permet : une reconnexion à ce que l’on ressent, à ce que l’on perçoit vraiment; une manière d’entrer en lien avec les autres, sans masque, autour d’un geste simple; et cette curiosité profonde, que je porte en moi depuis toujours, pour les terres, les savoir-faire, les cultures. Boire le thé, pour moi, ce n’est pas s’isoler — c’est explorer. C’est (s')écouter, goûter, et découvrir encore.
Ce blog est né de ce souvenir-là, il sera un carnet ouvert. Un lieu pour raconter ce que le thé continue de m’enseigner. Un endroit pour partager des histoires d’infusion, de saison, d’humanité. Un espace pour celles et ceux qui aiment sentir, apprendre et tisser des liens, tasse après tasse.
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